marie dubosq

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Poste par marie le 23 - déc - 2010

je m’en vais

J’ai roulé, encore. Cafés, cigarettes, le soleil et la nuit, quelques sandwichs, l’essence que j’entendais tomber dans le réservoir, des pensées aussi, qui m’entraînaient loin dans le passé, bien avant ces dix dernières années. Je retrouvais la jeune fille, je fumais des pétards derrière le lycée, dans l’espace en friche que nous avions baptisé « la grotte » car beaucoup de pierres amoncelées et une petit niche, grande pour deux ou trois. Je me souvenais de l’odeur qui régnait en permanence dans cette cavité, un mélange de bière et de haschich. Je retrouvais la jeune femme, qui travaillait dans ce bar du 11ème, l’odeur quand j’ouvrais le matin, et la musique, et certains visages.

Je m’en vais, me disais-je, je quitte le présent, je retourne en arrière, je vais vers le sud. Est-ce que le sud nous tire en arrière, toujours ? Est-ce qu’au contraire si j’avais choisi de partir vers le nord, mes pensées se seraient propulsées dans l’avenir ?

C’est possible après tout. Le corps réagit à la latitude, pourquoi l’esprit ne se laisserait-il pas enrober par la brume du nord, jusqu’à s’endormir et laisser se flouter les images du passé ? Il y a l’odeur du sud, et le soleil qui tétanise, et l’alcool frais, et les breloques qui pendent depuis toujours aux devantures des épiceries, et les vieilles vêtues de noir. Il y a Séville qui approche et la fatigue, les éoliennes dans le désert qui tournent, la Volvo noire, navire tranquille qui me conduit vers l’Andalousie. Je n’ai plus peur, je me suis délestée d’une partie de mon angoisse, elle s’est fondue dans l’herbe rase de l’aire d’autoroute, bien plus au nord, mais déjà loin au sud de ma vie.

Categories: histoires courtes

One Response so far.

  1. Anonyme dit :

    Ici et là-bas,je sens le plaisir de conter et d’écrire et cela me donne envie de prendre la plume pour mes émotions décrire !!!! Décrire une émotion face à un paysage maritime ou un delta rempli d’oiseaux. Décrire/écrire une femme qui écrit pour nous emmener sur les autoroutes de son imaginaire.
    José Guirao